- Bonjour Docteur Mabit, pouvez-vous nous parler de votre expérience de rencontre avec les esprits ?

C'est une question très longue et très ample. Eh bien, je suis un médecin occidental, français et chrétien au début, pas à cent pour cent, mais éduqué dans ce contexte de toute façon. Catholique depuis mon enfance avec des moments, comme tous les jeunes de l'adolescence, d’opposition avec l'Église, mais jamais rompre complètement. Tant dans le monde de la science, de la médecine, que dans le monde chrétien catholique conventionnel, le sujet de l’existence des esprits n’existe pratiquement pas, il n’est jamais traité, jamais formulé.

Donc je suis arrivé au Pérou en 1980 pour travailler pendant 3 ans en tant que médecin dans un petit hôpital du sud du Pérou et j’ai d’abord découvert les médecines traditionnelles andines. Puis, depuis 32 ans, celles de l’Amazonie, en contact avec des guérisseurs, des sages-femmes, des masseurs (sobadores), des rebouteux et différents praticiens des médecines traditionnelles. L'évocation de « contacts », pour ainsi dire, avec le monde invisible apparaissait dans leurs discours. Ils évoquaient ce monde invisible comme source de leur savoir ou de leur sagesse et de leurs pratiques de guérison.

Dans le monde andin, j'ai eu le premier contact avec une sage-femme autochtone quechua qui avait donné naissance à presque tout le village. Je lui ai demandé d'où venait sa connaissance, car j'ai constaté que c'était très efficace, que ses diagnostics étaient très pertinents et je pouvais les vérifier cliniquement. J'imaginais qu'elle avait acquis ses connaissances par tradition familiale, sa mère, sa grand-mère... Elle me dit que toutes ses connaissances provenaient du fait que lorsqu'elle était sur les hauteurs de la puna avec ses animaux, ses lamas et ses moutons, il y eut un orage électrique, et qu’elle fut frappée par la foudre, foudroyée littéralement... elle a perdu connaissance mais n'est pas morte et quand elle s'est réveillée de cette inconscience... elle savait comment soigner ! C'est-à-dire que ses connaissances ne venaient pas de sa mère ou de sa grand-mère, ni d'aucun enseignement humain, mais directement d'un état de « conscience altérée », pour le dire d’une certaine façon2... Comment pouvais-je comprendre cela en tant qu'occidental ? D'une part, au niveau clinique, j'ai constaté que c'était vraiment efficace. En outre, c'était une voisine que je fréquentais et je savais qu'elle n'était pas folle, ni une personne délirante, mais quelqu’un d’humble, tout à fait normal. Et d’autre part, elle m’affirmait en toute tranquillité et en toute simplicité que tout ce qu’elle savait provenait d’une expérience de mort imminente ou NDE (Near Death Experience), comme on les nomme habituellement.

J'ai eu une autre expérience qui m'a beaucoup marqué. On m’amène à l’hôpital un enfant de 7 ou 8 ans, inconscient, dans le coma, qui ne répondait pas aux stimuli. Je l'examine et je ne lui trouve rien. Je lui fais une ponction lombaire, rien non plus. Il n'y a pas d'infection, pas de méningite, pas de lésion neurologique. Je n'ai aucune explication, je ne sais pas ce qu’il a. C'était un petit hôpital de la Sierra qui ne disposait d'aucune des techniques modernes d’exploration. Avec l'examen clinique et les tests de laboratoire de base, je ne trouve rien. Donc je décide de le garder à l'hôpital en observation avec une simple hydratation par voie intraveineuse. Et un jour passe, deux jours, trois jours, le garçon est pareil, ni pire ni mieux. Les membres de la famille commencent à douter de mes capacités en tant que médecin, « le médecin ne fait rien » et je ne sais vraiment pas quoi faire. Je ne vais pas lui donner de traitement antibiotique, par exemple, pour le plaisir. J'ai donc commencé à écouter ses proches pour connaître leur opinion et leur propre explication de ce qui s'était passé. Je leur ai parlé par l'intermédiaire d'une infirmière de langue quechua qui pouvait accéder à leur monde culturel. Elle me dit que pour eux c’est arrivé quand l’enfant jouait dans la cour et est tombé et que la Terre, la Pachamama, avait aspiré l’énergie, absorbé sa force vitale, de sorte qu’il était dévitalisé, avec la batterie à zéro. Pour eux, c'était la cause de son évanouissement. Comme j'étais un peu désespéré, sans réponse, sans diagnostic et qu’ils se préparaient à sortir l'enfant de l'hôpital, voyant que je ne pouvais rien faire, je me suis mis à réfléchir, à penser toute la soirée à ce que pourrais faire en suivant leur propre logique ? Je ne disposais pas d’argument scientifique ou rationnel et je décide de raisonner sur la base de leur hypothèse, à savoir une perte soudaine d'une énergie vitale, quelle qu'elle soit. Si on doit lui restituer l'énergie, comment le faire ?

J’ai imaginé qu'en mettant une bouteille d'eau chaude sous ses pieds, sur le plexus solaire, la chaleur pourrait restaurer une partie de cette perte d'énergie, suivant leur logique. Comme je ne savais pas quoi faire, j'ai décidé d'essayer. C'était un petit hôpital et nous n'avions presque pas de ressources techniques. Nous avons donc dû improviser avec ce que nous avions sous la main. Je l'ai donc fait et ce soir-là j'ai prié... parce que si cela ne fonctionnait pas, qu'est-ce qui pouvait être fait de plus ?

Le lendemain, l'enfant a réagi et a ouvert les yeux, comme s'il s'éveillait d'un profond sommeil, toujours avec peu d'énergie mais déjà plus dans le coma. J'ai continué avec ce traitement et ai commencé à le nourrir peu à peu. Il commença à bouger, à manger... Et au bout de quelques jours, avec ces simples bouteilles d'eau chaude, le garçon se remit complètement. Et cela m'a fait une bonne publicité dans toute la ville parce qu'on disait que « le médecin l'avait sauvé ». Le garçon a continué à me rendre visite tout au long de mon séjour à Lampa. Bien que les débats théoriques m'intéressent, en tant que médecin, l'expérience clinique prévaut. Dans ces conditions, la logique locale avait fonctionné. Forcé par la situation, j’avais accepté de laisser ma logique s’intégrer à la leur et cela fut très important, à la fois pour rompre avec mes propres schémas de pensée comme pour établir des relations différentes avec les autochtones Quechua de la région.

Espiritus1

Ce type d’expériences, et bien d’autres (je ne peux pas raconter toutes les anecdotes), ont mis en évidence le fait que cette autre logique d’une culture différente avait un certain degré de cohérence, était conforme à la réalité, fonctionnait. En tant qu'occidental, comment pouvais-je comprendre cela ?

Quand je suis arrivé ici en Amazonie, ce défi s’est amplifié. J'ai rencontré des guérisseurs métis et indigènes dans le but d'apprendre à travers l’expérience personnelle. Je ne voulais pas seulement qu'ils me racontent leurs connaissances, mais les éprouver, les voir de l'intérieur. Parce que, de fait, les guérisseurs ont un discours très pauvre sur le plan rationnel qui me laissait insatisfait. Lorsqu'on leur demande par exemple pourquoi ou comment une telle plante guérit, ils répondent en disant « parce qu’elle a un pouvoir de guérison » ! Et avec ça on ne progresse pas beaucoup

C’est que l'expression verbale des guérisseurs est d’ordre métaphorique ? Ils utilisent des images, ce qui caractérise le langage de l'hémisphère droit du cerveau. Et, comme tous les Occidentaux, j'étais principalement formé à l'utilisation du cerveau gauche, au langage rationnel. J'ai donc contacté de nombreux guérisseurs et je leur ai toujours demandé si, en tant que médecin occidental, je pouvais expérimenter et ainsi apprendre leurs médecines. Et ils m'ont dit : « Oui, mais si tu veux apprendre, ce n’est pas nous qui t’enseignerons, ce sont les plantes qui le feront, parce que les plantes te parlent. Tu dois prendre les plantes, et seulement de cette façon tu vas comprendre. Les plantes te font voir comme un téléviseur ». Et qu'est-ce que cela signifiait pour un Occidental ? Aucune plante ne m'avait jamais parlé. J'avais du mal à imaginer comment ce type d'enseignement pourrait être.

Et finalement, j'ai décidé que si je voulais vraiment connaître cette médecine, je devais de nouveau suivre leur logique. Ils étaient les spécialistes. Je me suis rendu compte que si je commençais à rationaliser et à travailler à partir de ma logique, cela ne me serait d'aucune utilité. Je devais donc mettre de côté temporairement tous mes critères scientifiques, mes catégories conceptuelles et accepter même le plus « irrationnel » à mes yeux. S'ils me disaient de « faire le poirier », je devais le faire... Et après trois ou six mois, revenir à ma réalité, à ma logique, prendre de la distance et analyser ce qui s'était passé selon mes grilles de lecture habituelles, évaluer si j'avais appris quelque chose, si c'était cohérent, comment je me sentais.

Ensuite, j'ai commencé à prendre l'ayahuasca avec un guérisseur ici à Tarapoto. Cela m'a projeté dans un monde totalement inconnu, en état de conscience modifiée, avec des visions, un monde visionnaire. Ce fut une expérience fondatrice pour moi et ensuite pour Takiwasi.

Lors de la première séance, j'avais tellement peur que j'ai tout bloqué et rien ne s'est passé. Je n'avais jamais pris de substances psychotropes, je n'avais jamais consommé de drogue, j'avais donc très peur. À la fin de la séance, je me suis senti un peu stupide quand j'ai réalisé que la peur m'avait vaincue. Les patients locaux qui étaient dans la même session et que j’avais vu pleurer, vomir, crier, étaient heureux et riaient. Je n'avais pas pu franchir le seuil. Je ne pouvais pas garder ce sentiment d'échec. Je suis retourné 2 jours plus tard pour reprendre avec le même guérisseur et là je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. Je fus projeté brusquement dans un état de conscience totalement nouveau et je ne pouvais rien contrôler. J'avais des visions, mais ce n'était pas comme une vision lointaine sur un écran, je vivais la vision, je vivais dans cette réalité visionnaire.

Dans cette session, j'ai rencontré un boa noir géant qui a commencé à se battre avec moi, à s’enrouler autour de moi et j’ai eu très peur parce que c'était une expérience très réelle. Et il m'entraînait au fond d'un abîme sombre, sans limite. C'était très effrayant, terrifiant. Et je me suis battu, et je me suis battu, et je ne pouvais pas dominer le boa, il me dominait. C'était très angoissant et cela a duré une éternité pour moi. Là on perd la notion du temps. J’étais totalement absorbé par l'expérience, par ce combat de vie ou de mort. J'ai réalisé peu à peu que je ne pouvais pas vaincre cette force meurtrière et que j'allais mourir. Alors toutes les pensées de quelqu'un qui va mourir m’ont traversé l’esprit.

La colère. « Quelle stupidité de ne pas être resté tranquillement en France, avoir un cabinet, au lieu de me mettre dans une telle situation. C’est toxique, ce n'est pas pour les Occidentaux, c'est seulement pour les indiens ». Après, la tristesse. Que penseraient mes parents qui allaient savoir demain que leur fils était mort en prenant une plante avec des indiens ? J'ai vu le cercueil, les gens qui allaient à mes funérailles... Les remords pour tout ce que je n'avais pas dit ou fait avant de mourir. La lutte a continué et peu à peu la mort m'est apparue comme une issue inéluctable. Mon sort était décidé. C'était comme ça, point final, il n'y avait pas d’autre issue. Puis vint l'acceptation. Accepter progressivement l’idée que ma vie se terminait de cette façon. Il n'y avait plus rien à dire ni à faire, juste accepter.

Et puis j'ai réalisé que malgré tout, la vie allait continuer. Aussi bien pour ma famille, une fois passée la tristesse, que pour les gens d'ici, de Tarapoto. Peut-être allait-on annoncer dans un journal qu'un Français était mort en prenant de l'ayahuasca et ils allaient dire « ah » et ensuite aller prendre leur petit-déjeuner. Cela n’allait changer la vie de personne ni affecter grand monde, moins encore la société en général ni le monde entier. Alors, petit à petit, l'acceptation totale est venue : c'est ainsi.

A ce moment-là, une phrase me traversa, qui sortait de moi, mais comme venant d’au-delà de moi-même, et j'ai dit intérieurement : « Jacques n'a pas d'importance ». Une sorte d’évidence patente que le monde n'avait pas besoin de moi et pouvait vivre sans moi, que je n'avais aucune importance de par moi-même. Et j'ai répété cette phrase trois fois avec une authenticité absolue parce que je disais adieu à ce monde.

« Jacques n'a pas d'importance, Jacques n'a pas d'importance, Jacques n'a pas d'importance ». Trois fois...

La troisième fois, étonnamment, le boa m'a soudainement relâché et a disparu. Et j'ai réalisé que je n'allais plus mourir. Je ne pouvais pas y croire. J'étais toujours au fond de l'abîme, mais libre et capable de retourner à la surface.

Et beaucoup de choses me sont alors venues à l’esprit… Je pourrais relier cette fausse « importance » que j’avais entrevue avec une quantité d’événements et de situations de ma vie. Des comportements et de modes relationnels se sont tout-à-coup clarifiés, tout ce qui s'était passé jusque-là dans ma vie. Je me suis rendu compte à quel point je m’étais auparavant accordé de l’importance et comment cela s’était manifesté dans ma vie sociale, professionnelle, familiale et affective. En bref, sont apparues les nombreuses ramifications de cette croyance égotique à propos de ma propre importance, et comment cela avait manipulé inconsciemment mon comportement.

Je suis revenu peu à peu à la surface, sortant par paliers de cet abîme comme un plongeur qui remonte des profondeurs de la mer. Et j'approchais de la conscience ordinaire. Toujours effrayé, je me suis dit : « Je ne prendrai jamais plus d'ayahuasca, ce n'est pas pour les Occidentaux ». Et de nouveau surgissaient des associations, des compréhensions et j'étais fasciné par cette clarté mentale inconnue. Et je montais un étage au-dessus, avec moins de réserves sur l’ayahuasca, et d'autres associations intelligibles apparaissaient. Jusqu'à arriver à la surface, à la conscience, pour retourner dans cette salle où une séance d'ayahuasca venait d'avoir lieu. J'ai alors eu la sensation d'une découverte phénoménale et je me suis dit : « C'est ce que je cherchais ». Ce que je cherchais sans le savoir. La vérité sur moi-même.

Ce boa est l'esprit de l'ayahuasca. La façon dont il est visualisé. Celui qui m'a amené à ce combat, conduit à cette lutte pour la vie... et cette prise de conscience tellement importante. Il a dominé mon ego. Une forme de mort de l'ego, une mort partielle, parce qu'il ne meurt jamais vraiment, mais une première mort. Avec la récompense d'une incroyable libération. En fin de compte, j’avais compris plus de choses en une nuit que tout ce que j’avais pu réfléchir, lire ou penser auparavant. Une médecine puissante qui embrasse le corps, l'affectivité et la spiritualité, le sens de la vie et de la mort.

Ce fut ma première rencontre avec l'esprit de l'ayahuasca.

J'ai continué à prendre et à la huitième session de l'ayahuasca, j'ai eu une autre expérience fondatrice pour Takiwasi. Je me suis vu dans la jungle, debout, devant 12 personnages assis en demi-cercle, ressemblant à des Indiens. J’étais comme un étudiant devant un jury universitaire. C'était impressionnant. Ils m'ont parlé en disant : « Nous sommes les esprits gardiens de la forêt ». Je n'avais jamais entendu parler d’une telle chose, c'était quelque chose d’inimaginable pour moi, hors de ma culture. Ils ont ajouté « Pourquoi prends-tu l'ayahuasca ? » J'étais très impressionné et j'ai répondu que je voulais apprendre cette médecine. Puis ils se sont consultés entre eux et finalement celui qui était au centre, comme le président du groupe, m'a dit : « Tu es autorisé à pénétrer sur ce territoire », c’est la phrase exacte qui m'est restée et qui depuis m’a donné le sentiment de légitimité dans ce que je fais. Il a ajouté : « Tu peux pénétrer, mais ton travail, ton chemin va passer à travers cela », et alors je me suis vu moi-même en train de soigner des toxicomanes, des personnes dans la dépendance aux drogues. Ce fut une surprise totale car ce n’était pas quelque chose que j’avais prévu de faire et je n’étais pas particulièrement intéressé par le sujet. Je n'avais pas non plus consommé de drogue, ni pris d'alcool, ni fumé de tabac. Je n'avais été saoul qu'une seule fois avec de la bière et je m’étais senti très mal. Il n’y avait pas non plus de problèmes de dépendance ou d'alcoolisme dans ma famille directe.

L'ensemble du projet du centre Takiwasi est le fruit de ces expériences. Bien que j'ai résisté au début pour entreprendre cette aventure parce que je n’en n'aimais pas l'idée. Je le voyais comme quelque chose de très compliqué, exigeant, hors de mes intérêts. Il m'a fallu trois ans pour prendre ma décision après une autre séance d'ayahuasca qui m’a confronté de nouveau à cette demande. Je n’avais aucune idée de comment et où faire un centre, qui allait m'aider, avec quels fonds... Mais j'ai ensuite eu constamment des indications, lors d’états de conscience modifié induits par les plantes, dans des rêves ou dans la vie quotidienne à travers des synchronicités.

Par exemple, lorsque je cherchais un endroit où je pourrais établir ce centre, j'ai visité différents endroits. Entre autres, il y avait un terrain abandonné, près de la ville et du ravin de la rivière Shilcayo. Lors d’une séance d'ayahuasca, on me dit « c'est l'endroit ». Je vais alors voir la propriétaire et lui dis que je veux acheter le terrain. Elle me dit « non, ce n'est pas à vendre, je ne veux pas le vendre ». Cela semblait contredire ce que j'avais entendu lors de la séance d'ayahuasca. Je reviens donc prendre l'ayahuasca, en remettant en question l'indication reçue. Il m'est alors répondu : « Attends, elle-même, la propriétaire, viendras te chercher ». Alors j’attends et, effectivement, 2 mois après, cette dame me cherche et me dit qu'on lui a proposé d'acheter une pharmacie à Lima, une opportunité économique qu'elle ne voulait pas perdre, mais qu'elle n'avait pas assez de capital. La seule chose qui lui reste est de vendre le terrain ... Et 8 jours après, je l'avais.

La confirmation des faits démontre la cohérence de toutes ces inspirations, car j'étais aussi très sceptique. La suggestion ou l'imagination ne peuvent pas rendre compte de ces cohérences répétées. Cette congruence avec la vie quotidienne indique que dans ce monde invisible règne une grande intelligence. Et il ne pouvait s’agir que de phénomènes de l’inconscient personnel, car au départ, cela contredisait mes propres attentes conscientes. Je ne voulais pas mourir lors de la première session ou assister des toxicomanes à la huitième session... cela surprend, contredit les attentes et montre en même temps une cohérence avec la vie quotidienne. Et Takiwasi a 25 ans d'existence. Et nous sommes toujours pauvres, mais pleins d'espoir dans cette providence qui ne nous a jamais manqué, bien que mettant notre confiance à l'épreuve.

Petit à petit, cette cartographie du monde invisible s'est enrichie. À ma manière, je dirais que chaque élément de la création sensible est présidé par une entité tutélaire, un esprit ou plutôt une présence angélique. Il s’agit du monde intermédiaire, le monde de la création invisible. Avec les sens, nous percevons les minéraux, les végétaux, les animaux, le cosmos et l'être humain. Cependant, il existe une autre dimension, celle de la création invisible pour nous en état de conscience ordinaire. Ce monde invisible est peuplé d'êtres également créés, mais incorporels, qui n'ont aucune existence physique ou matérielle, mais qui sont dotés d'intelligence, de liberté, de volonté et qui président à tous les éléments du monde physique. Donc, il y a un esprit pour chaque grotte, rivière, arbre, animal, tous les éléments de la création naturelle. Il en existe également pour chaque « entité » complexe comme une personne, une ville, un pays, une famille, une institution comme Takiwasi. Mais un esprit ou une entité angélique préside également à toutes les fonctions psycho-affectives, les sentiments au sens fort du mot, qui ne sont pas proprement des choses matérielles, mais qui participent de l'incarnation. Il existe ainsi un ange de la bonté, un ange du pardon, de l'amour, de l'amitié, etc. Mais il existe aussi des entités spirituelles qui président à ce que nous percevons comme négatif : un ange de la colère, ou l’esprit d’inceste, de suicide, etc. Dans la tradition, ils sont appelés esprits malins, anges noirs ou démons.

Tout est présidé par des êtres du monde intermédiaire, je dis intermédiaire parce qu'il est situé hiérarchiquement au-dessus de la création sensible et au-dessous de la divinité. Et ce monde des esprits est duel, il est blanc ou noir, il y a de bons ou de mauvais esprits. A l’inverse, dans notre réalité humaine, nous ne sommes ni totalement bons ni totalement mauvais, ni blancs ni noirs, mais « gris », il existe un mélange, nous sommes ignorants, dans une certaine mesure nous ne savons pas ce que nous faisons. Dans le monde spirituel, intermédiaire, les esprits savent pertinement s'ils se soumettent ou non à la divinité. Leur choix se fait en connaissance de cause et est pour cela irrévocable. Quand j'ai commencé à prendre, petit à petit, à apprendre et puis à guérir, je pensais au départ que la médecine était vraiment une médecine pure et que toute négativité venait de moi ou d'autres personnes. Mon objectif était d'utiliser des plantes pour aider les gens sur le plan psychologique, émotionnel et relationnel. Mais j'ai vite compris que la rencontre avec ces êtres spirituels était inévitable. Avec les bons êtres, les anges, il n'y avait pas de problèmes, au contraire. Mais la rencontre avec des démons ou des esprits malins a représenté un défi de taille. Et il a été clair que beaucoup de gens étaient malades parce qu'ils étaient parasités ou contaminés dans une certaine mesure par des entités maléfiques et malignes. Le travail de purification, de guérison consistait donc à les expulser, à exorciser. Ça ne m’a pas du tout plu, je n'avais pas pensé me trouver avec ces exigences, cela n’a rien d’agréable ni de drôle. Mais la question n’était pas de décider ou non de leur existence, mais d'accepter cette réalité et de s’y confronter ou pas. Soit je devais abandonner, soit je devais faire face.

Alors petit à petit, j’ai fait face à cette problématique avec des peurs, de angoisses, des doutes. L’énorme difficulté est de discerner, lorsqu’on est en contact avec des entités, avec des êtres, s’il s’agit d’anges ou de démons. D'où viennent-ils, comment agissent-ils, comment y faire face ? Les démons ont des milliers de tactiques et astuces trompeuses. Ce n’est pas pour rien qu’on les qualifie de malins. Ils se présentent comme de bons esprits, ils adoptent l’apparence de la divinité, de la Vierge, du Christ, de maîtres... tant de formes sympathiques et belles. C'est la stratégie de la séduction.

Le défi consiste alors à détecter ces tromperies à travers des critères de discernement permettant de savoir avec qui on entre en contact volontairement ou involontairement. Et ce raffinement du discernement ne se termine jamais, il n’est pas absolu. Il peut être toujours perfectionné.

Tout au long de ce processus, ce parcours, j’ai réalisé que cette expérience clinique, d'observation empirique, que je devais intégrer, comprendre, était cohérente avec la théologie catholique. Cela est arrivé dans un secon temps car, comme pour la plupart des catholiques, on ne m'en avait jamais parlé. Cela semblait appartenir à une histoire du passé, à un certain obscurantisme. Il n'y a jamais d'enseignements sur ces choses à l'époque actuelle.

Beaucoup de prêtres ne croient pas eux-mêmes que le mal existe personnifié dans des entités. Tout phénomène de cette nature tend à être rationalisé et réduit à des productions symboliques, des créations ou élaborations de l’inconscient, d'ordre psychologique personnel ou collectif, virtuel en somme. Tout vise finalement à nier cette réalité d’une façon ou d’une autre. Cependant, Jésus dans les Evangiles nous montre maintes fois que son travail consiste à expulser les démons, à imposer les mains et à libérer les malades. C'est même la dernière chose qu'il va dire à ses disciples, à manière de testament : « Guérissez les malades, imposez les mains, chassez les démons et proclamez la bonne nouvelle de la libération ». Mais maintenant, qui croit cela et le pratique ?

Au début, il me semblait que tout ce monde invisible était totalement éloigné et même contraire à la foi chrétienne. J'étais ignorant sur cette dimension mystique de la vie. Mais petit à petit, en approfondissant la doctrine, la lecture des textes, la Bible, j'ai trouvé une cohérence absolument incroyable.

J'ai donc commencé à mener ce combat spirituel et il était évident que j'avais besoin d'outils spirituels. Tout ce monde invisible me dépassait de beaucoup. Dans la lutte, ce n'était pas moi, Jacques, qui devait lutter contre les esprits maléfiques, mais plutôt agir en bon soldat qui devait prier pour appeler les bons esprits qui, eux, menaient le combat. La lutte se développe au-dessus de ma tête. Mais il est nécessaire de demander, prier, supplier.

Et les bons guérisseurs le font aussi. Ils appellent l'esprit des plantes médicinales, de leurs maîtres guérisseurs. Cela constitue déjà un niveau exorciste. De plus, dans le "bain culturel chrétien" de l'Amérique, ils continuent d'invoquer les saints, la Vierge, les anges, le Christ, San Michel et l'ensemble du panthéon chrétien qui accorde une force énorme dans ces combats. Et ceci est d’évidence clinique, pour ainsi dire.

J’ai découvert par moi-même cette dimension spirituelle des médecines traditionnelles amazoniennes puisqu'il n'y a rien écrit à ce sujet dans la littérature anthropologique. Tout ces récits sont considérés comme de simples faits culturels sans réelle consistance ni dimension universelle. Le rejet du monde universitaire et de l’Occident en général de la réalité des dimensions mystiques empêche une approche raisonnable et sereine de ce sujet. Et cela ne permet pas l'accès à la pratique, à l'évaluation clinique. Pour moi, le meilleur test continue à être la clinique. Une hypothèse est confrontée à la pratique et s’il est possible de guérir les gens selon cette logique et ces modèles, elle démontre sa pertinence. C'est ce que, par exemple, nous essayons de montrer avec les patients toxicomanes. Nous savons à quel point il est difficile de traiter ces problèmes de dépendance, mais avec cette approche, on peut y remédier.

Une anecdote à ce sujet à titre d’illustration. Le père d'une femme américaine, qui est l’un de mes amis, m'a contacté pour me demander d'aider sa fille âgée de 38 ans qui suit un traitement psychiatrique depuis ses huit ans. Normalement, je ne m'occupe pas de ces cas, mais c'est un ami et j'accepte de voir si c'est possible. Cette femme a pris toutes sortes de médicaments psychotropes... et elle va toujours mal. Elle fait des cauchemars chaque nuit avec le sentiment d'une présence à ses côtés. Lorsque cette femme arrive et que je m’approche d’elle pour la première fois, je visualise la Vierge a son côté et de l'autre côté une entité, un mauvais esprit. La présence de la Vierge me réconforte et m'encourage à faire face au mauvais esprit. Et je dis à cette femme : « Vous avez un esprit à vos côtés ! » Elle me regarde avec surprise et me demande dubitative : « Vous êtes médecin ? » « Oui, je suis médecin ». Elle poursuit : « Depuis 30 ans, je dis aux médecins qu’il ya un esprit à mes côtés et ils ne me croient pas. C'est la première fois que quelqu'un me croit. Je lui ai même donné un nom parce que je vis avec cet esprit depuis 30 ans, c'est presque comme un compagnon ».

Mais le compagnon était en train de lui gâcher la vie et je lui ai demandé si elle était prête à abandonner ce lien parce qu'il n'était pas un bon ami, mais plutôt une entité perturbatrice. Et elle a accepté. Je lui ai demandé de bien faire ce que je lui indiquerais. « C'est un combat, une bataille et l'autre va essayer d’interférer, de ne pas partir, de te faire fuir, d'abandonner le traitement ». J'ai commencé à faire uniquement des soins sur le corps énergétique et avec des prières. Elle n'a même pas pris l'Ayahuasca une seule fois. En 8 jours, et pour moi ce fut spectaculaire, cette entité a disparu. Cette jeune femme a laissé imméditaement tous ses médicaments. Cela s’est passé il y a environ 4 ou 5 ans et elle continue sa vie normalement et sans médicament.

Pour moi, ce sont des preuves a contrario, la guérison démontre la cohérence du diagnostic. Invoquer la suggestion, c'est considérer que tous ses psychiatres, depuis 30 ans, n’ont pas su voir cette suggestion et lui ont administré des médicaments en vain. C’est-à-dire, elle se serait suggestionnée elle-même, puis ses psychiatres et enfin moi-même... Mais maintenant, elle est guérie. De plus, quand on est dans ces combats, il s’agit d’une expérience sensible, on le sent physiquement, corporellement. Ce n'est pas seulement d'ordre mental, cette réalité spirituelle affecte la dimension incarnée, autant le bien comme le mal. C'est précisément là que cette question d'incarnation se pose. C’est très difficile à concevoir pour quelqu'un qui ne vit pas ces expériences, qui n’en n’a pas fait l’expérience dans son propre corps. Il surgit de nombreux phénomènes paranormaux, d’expériences extrasensorielles.

Initialement, la personne ne détecte pas qu’il s’agit d’un mauvais esprit, ne discerne pas sa malignité. Sur la base de la séduction, cette présence le poussera au mal, nourrissant sa part narcissique. Et la personne, séduite, se soumet inconsciemment à cette entité. Elle lui suggère par exemple : « Tu es libre, libère-toi des tabous et des limitations, tu peux coucher avec qui tu veux, c'est ton corps, personne ne peut rien t’imposer... » et ainsi l’inciter à mener une vie sexuelle de promiscuité au nom de la liberté.

Quand, au moyen de plantes ou de la prière, d’une thérapie ou d’un événement suscitant une prise de conscience personnelle, on se rend compte que ce n’est pas si bon, qu’il y a quelque chose ou quelqu'un qui suggère ces pensées négatives, lorsque la séduction cesse de fonctionner, cet esprit alors découvert et qui s'est présenté de manière séduisante, sympathique et belle, montre alors son autre visage et les gens découvrent leur aspect démoniaque, maléfique. Et ça fait peur. Et là peuvent surgir des phénomènes paranormaux. Des animaux dégoûtants apparaissent dans la maison, la lumière s’allume toute seule, la porte se ferme sans que personne ne la touche, il y a des bruits étranges, on sent quelque chose d’étrange dans l’ambiance, on a la chair de poule... tout cela générant angoisse, peur et même parfois la panique. Et c'est la deuxième stratégie des mauvais esprits, effrayer les gens, les soumettre par la peur. Les gens ne veulent pas en savoir plus et préfèrent rester ainsi, par peur.

Quand on fait face à la peur, armé de foi, avec d'outils spirituels, la troisième stratégie est le découragement. L'esprit malin suggère que l’on ne pourra jamais s’en sortir, que la vie sera un vrai malheur, qu’on va beaucoup souffrir, qu’on ne pourra pas se marier, se réaliser, etc. Et on peut en arriver à se soumettre par découragement, désespoir, fatigue. C’est la troisième stratégie du Malin. Et il existe bien d'autres stratégies malignes. Cependant, il y a presque toujours ces grandes lignes stratégiques que l’on peut détecter et qui permettent de mieux lutter lorsqu’on sait comment cela fonctionne.

Cependant, ce monde spirituel est tellement vaste, immense comme la jungle... On peut connaître 10 ou 50 plantes, mais il en existe des milliers d'autres à connaître... Nous sommes très petits et limités de par notre propre force... nous avons besoin d'une aide spirituelle. Il existe des esprits, mais ils ne sont pas tous bons et, par conséquent, toute ouverture au monde invisible est risquée, voire dangereuse. Il faut donc savoir s’ouvrir à ce monde avec le soin nécessaire. Le chemin vers la divinité traverse ce monde angélique, espace de médiation, des médiateurs, il est donc inévitable. Mais on ne l’aborde pas de n’importe quelle façon, il a à voir avec la vie mystique.

Donc, les gens vivent cela profondément quand ils abordent cette dimension avec les plantes, ils se sentent « touchés », je ne sais pas quel mot utiliser, touchés dans leur âme, dans leur esprit, dans leur cœur, dans leur corps. Et alors cette dimension devient difficile à nier...

Beaucoup de gens ont de la colère et du ressentiment envers l’Église, envers l’institution, avec le passé ou le présent de l’institution qui les repousse. Il me semble que l'opposition à l'Église en raison de son histoire est largement exagérée par une sorte de légende noire de la propagande antichrétienne, bien qu'il y ait certainement des reproches à faire. Mais, après ces expériences mystiques, cela importe peu, devient secondaire car on va directement au cœur des choses. C'est comme notre famille à laquelle nous pouvons aussi reprocher beaucoup de choses, mais quoiqu’il en soit, c'est notre famille et on l’aime malgré tout. Quand on va au cœur des choses, tout se relativise, l'essentiel demeure.

L'expérience mystique doit se démocratiser d'une certaine façon. Elle se présente comme une chose qui serait réservée à des personnes extraordinaires, à des saints hors du commun. Et nous ne sommes pas Sainte Thérèse ou le Padre Pio. Alors la vie mystique ne serait pas pour nous. Cependant la connexion spirituelle directe et sensible nous est nécessaire, chacun à notre niveau. Si elle ne s’établit pas, c’est comme avoir une relation amoureuse platonique ou conceptuelle avec une femme sans ressentir aucune chaleur amoureuse, seulement en appréciant l’esthétique de son physique, elle vous séduit qu’elle parle bien, qu’elle est intelligente, mais sans que ne soit touché ni le cœur, ni les entrailles, ni l’être profond. Cette relation ne durera pas longtemps, elle ne mûrira pas, elle n’est ni vivante ni authentique. La vie spirituelle est une relation d'amour ou devrait l'être.

Ainsi, tout ce que je peux découvrir et continuer à découvrir dans cette immensité de l'exploration des médecines traditionnelles, du monde invisible auquel les plantes donnent accès, me semble de plus en plus cohérent avec l'expérience chrétienne. Et inversement, l'expérience chrétienne permet de vivre beaucoup mieux ces expériences, cette exploration, cette aventure spirituelle.

Cette relation n'est pas nouvelle, elle existait dans le christianisme, mais elle n’est guère vécue dans l’actualité, car elle a été laissée de côté, au fur et à mesure que l'Église s’est rationalisée et désacralisée au rythme de la société civile. L’Église catholique romaine en particulier s’est soumise à la pensée rationaliste et positiviste occidentale, a oublié ses racines et assume maintenant qu’il s’agit de choses folkloriques, du passé, obsolètes, qui ne sont plus valables aujourd’hui. C’est moins vrai pour les églises catholiques orientales et l’Orthodoxie. Ce processus me semble être un drame énorme.

Beaucoup de gens souffrent aujourd'hui parce qu'ils sont soumis à ces forces spirituelles maléfiques non identifiées. Parfois, ce sont des problèmes relativement faciles à résoudre, parfois beaucoup moins. Mais tant que cette notion d’interférence maligne n’aura pas été retrouvée, l’on peut être soumis des années à ces perturbations, à ces souffrances, sans pouvoir en être libérés. Ce qui fait mal, c’est de voir que l’Église dispose des outils efficaces pour résoudre ces problèmes et qu’elle ne les utilise pas.


- Dans votre réflexion, Docteur Jacques, un mauvais esprit peut-il retourner (transformer) son attitude, en un bon esprit, grâce à l'activité d'êtres humains, de guérisseurs et de médecins ?

Non, les esprits sont bons ou mauvais de manière définitive. Il n'y a pas de retour en arrière ni d'option de rechange.

Certaines personnes me disent « oui, j’ai une entité mauvaise quelque part, mais cela m’aide car cela me donne de l’expérience, cela me permet d’apprendre quelque chose, cela me stimule, je veux le garder ». Alors je leur suggère de faire une séance d’Ayahuasca afin qu’ils puissent voir en face qui est leur ami supposé. Et le lendemain, ils ne veulent plus en savoir sur le fameux compagnon. Quand la malignité est pleinement révélée, plus personne ne la veut. C'est une autre tromperie de la séduction.

On ne peut pas les prendre en pitié, ils ne sont pas de « pauvres » êtres, car leur statut est le résultat d'une option libre, en toute connaissance de cause. De plus, ils ne veulent pas changer ni ne veulent de notre amour. Nous par contre, nous avons droit au pardon, à la miséricorde, car nous choisissons le mal par ignorance. Le péché dans son sens premier en hébreu « jet » est un terme de tir à l'arc qui signifie pointer en dehors de la cible, s'écarter du chemin par une ignorance maladroite, par erreur, ce qui peut donc être corrigé, réparé.

Les esprits du monde angélique prennent leur décision en toute connaissance de cause et ne souhaitent en fait pas revenir en arrière. Par conséquent, ils n'ont ni la possibilité ni le désir de changer. Une des stratégies des démons est précisément de négocier, de convaincre les personnes qu’effectivement ils peuvent changer, qu’on ne les abandonne pas, pour maintenir le lien pervers qui les retient. C'est du temps de perdu et beaucoup de prétention de se proposer de changer un démon. La seule chose à faire avec un mauvais esprit est de l'expulser.

Maintenant, il faut se demander au-delà de la procédure d'expulsion, de l'exorcisme, par où il est entré, pourquoi il y a ce contact avec cette entité maléfique. Quelle est la porte d'entrée ?

Cela peut provenir de la vie personnelle, d'une faute commise, d'une transgression des lois spirituelles, d'une pratique ésotérique, du spiritisme, du satanisme, d’abus de toutes sortes, etc. Ces transgressions établissent consciemment ou non une forme de pacte, d'accord, selon le niveau des esprits qui président à ces transgressions. Cela leur donne un certain pouvoir pendant un certain temps sur ces personnes. Dans les pratiques occultistes, l'accord confère à ces personnes un pouvoir temporaire, des capacités inhabituelles, mais le jour où elles ne leurs serviront plus, ces mêmes esprits les dévoreront, les rejetteront avec cruauté, sans pitié. Les mauvais esprits n'ont pas d'amis, seulement des esclaves. Par conséquent, il faut d’abord rechercher dans son propre passé, dans sa biographie. Si la transgression a été consciente, l’engagement total (pacte de sang, par exemple), les conséquences seront d’autant plus graves.

Cela peut aussi venir de quelque chose vient d’un tiers : il existe des sorts, de la magie, des maléfices, on peut agir de manière néfaste sur les gens. Ou bien cela peut éventuellement provenir d'une contamination externe provenant de la proximité avec des lieux ou des objets, même des animaux, contaminés par un mauvais esprit.

Il est également possible que ce soit un héritage transgénérationnel. Si un ancêtre a eu un lien avec une entité maligne, un type de pacte ou de relation avec ce monde satanique et démoniaque et que celui-ci n’a pas été nettoyé ni réparé, il peut être transmis de génération en génération. De nombreux cas de pathologie mentale s’expliquent ainsi, la personne étant parasitée par un ou plusieurs esprits, parfois même dès sa conception. Elle naît donc avec cette charge et peut présenter des perturbations psychologiques, relationnelles, existentielles. Ce parasitage, n’étant pas identifié, amène cette personne à penser que c'est quelque chose qui lui est propre. Elle en vient à penser qu'elle est ainsi faite, de naissance, par nature et qu’ainsi elle restera pour toute sa vie. Lorsqu’elle peut intégrer cette notion de vampirisation ou de parasitage, la détecter et découvrir qu’il y a un "passager clandestin » qui est présent, elle peut alors prendre des mesures pour l’expulser et retrouver son intégrité.

C’est ainsi que l’on voit des personnes qui, par exemple, ont des pensées perverses, des pensées suicidaires, des tendances à la maltraitance, à l’inceste et parfois dès leur plus tendre enfance. Ils en souffrent parce que cela contredit leur liberté, leur morale, leurs valeurs profondes. J'ai vu des enfants de 4 ou 5 ans qui blasphèment sans savoir ce qu'ils disent, parce que ce n’est pas eux qui parlent, mais un esprit de blasphème qui les habite et les utilise. Ils l'ont par héritage. Cela peut être détecté et permettre de confirmer à ces personnes qu’elles ne sont pas malignes par nature ou par essence, mais qu’il existe une entité perverse qui les parasite, qui est en contact avec elles, en relation avec leur corps. C’est très réconfortant et libérateur pour ces personnes quand elles apprennent enfin qu’elles ne sont pas des monstres, qu’au fond elles sont bonnes et qu’il y a quelque chose, ou plutôt quelqu'un, contre qui la lutte doit être menée. Qu'il est possible de vaincre et d’obtenir la libération.

Dans de nombreux cas psychiatriques, en particulier dans les pathologies de dissociation, la personne est supposée être divisée entre deux personnalités ou plus. Par exemple, une personne entre dans une crise de colère absolument incroyable et on dit populairement qu'elle est « hors d’elle ». En effet, elle est en quelque sorte habitée par un esprit de colère, incontrôlable, qui a pris le commandement et l’a évacuée de son propre corps. Quelqu'un est là qui assume le commandement contre la volonté de cette personne. Et quand la crise passe, cette personne se sent mal pour ce qu’elle a dit ou fait contre sa volonté et dont on lui attribue cependant la responsabilité. Cela génère une grande culpabilité. Il en va de même pour les drogues et la dépendance dont les personnes ne peuvent se libérer, la toxicomanie dépasse leur volonté, les contraint. Donc, dans certains cas, on peut détecter qu’il ne s’agit pas de deux parties d’une même personne, qu’elle n’est pas dissociée ni scindée en deux, mais qu’il existe réellement deux entités, le sujet et un parasite étranger. Cela restaure l'intégrité de la personne, son unité intérieure, avec la détection d'un parasite externe identifiable et qui peut être expulsé. Cette prise de conscience, qui peut être vérifiée dans la clinique, est hautement curative. Comme dans cet exemple précédent de cette femme qui avait un parasite pendant 30 ans et a pu en être libérée. Elle n'a plus de pensées ou de suggestions perverses. Elles disparaissent simplement avec l'expulsion de l'intrus.

Il y a beaucoup de portes d'entrée possibles et c'est comme une investigation policière à la recherche de l’assassin. L'anamnèse est importante car beaucoup de gens ne se souviennent pas de ce qu'ils ont essayé dans leur adolescence, par exemple, comment, pour se donner un peu de frisson, de l'adrénaline, pour vivre un peu d'intensité, avec leurs amis, ils ont pratiqué le spiritisme comme un jeu. Ils ont oublié, 30 ans ont passé, mais le parasite est là. Ils ont contracté une entité perverse qui est toujours présente et active. De même, certains traumatismes psychologiques peuvent constituer une porte d’entrée, comme un traumatisme physique tel qu'une explosion, un accident, un choc violent, une crise familiale générant un choc émotionnel. Dans ces cas, le corps énergétique se déboîte du corps physique en quelque sorte. Ce corps énergétique peut maintenant être filmé ou photographié avec des technologies de pointe. Il constitue une interface entre le monde visible et sensible et le monde invisible. Les corps spirituel et physique sont reliés par l’intermédiaire du corps énergétique. Et nous pouvons intervenir sur ce corps énergétique. Les parasites spirituels s’attachent au corps énergétique et peuvent à long terme finir par affecter le corps physique. Une infestation spirituelle peut donc finir par rendre malade physiquement.

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Je parle d'infestation car il existe différents degrés de parasites. S’il s’agit d’une « énorme bête », cela se manifestera par une possession, mais cette situation est rare. En règle générale, ce sujet est fortement rejeté à cause de l'imprégnation culturelle, et dire "possession" évoque "l'exorcisme" et fait immédiatement penser aux films sensationnalistes et aux événements extraordinaires rattachés aux personnes possédées. Cela existe aussi, mais c'est rare, c'est même très rare. Mais un certain degré d'infestation est pour nous le quotidien de l’observation clinique. Nous sommes malheureusement dans un monde très contaminé spirituellement, sans le savoir, et précisément à cause de cette ignorance, nous en sommes la proie facile. On ne se protége pas d'un danger qu’on ignore, on ne prend pas les précautions nécessaires.


- Quelle est la relation entre ces esprits et les esprits de personnes décédées ?

Dans le monde intermédiaire, il y a aussi les esprits des défunts, ou du moins ils y passent, je ne sais pas jusqu’à quel point… Ensuite, quand on fait ce genre d'expériences de s'ouvrir au monde invisible à travers des rituels ou des plantes, on peut se trouver en présence d’esprits de défunts.

Il est important de distinguer si cette rencontre s’établit de façon correcte ou pas. Appeler l'esprit de défunts pour obtenir une information ou un service est une forme de spiritisme, c'est une transgression spirituelle. Autre chose est de prier pour eux. Par exemple, beaucoup de gens viennent ici en ayant un contentieux avec des parents décédés, ils n’ont pas pu se dire au revoir, ils n’ont jamais pu dire « Je t'apprécie, je t'aime, je te pardonne, pardonne-moi… ». Ils ne se sont pas pardonnés, quelque chose n’a pas été résolu. Là oui, on peut demander à établir un contact avec le défunt pour régler ce contentieux. Mais ce n’est pas sur commande, en donnant des ordres, il s’agit d’une prière à la divinité, ce n'est pas une exigence de réponse automatique ! On supplie : « Je voudrais réparer ce qui s'est passé avec ma mère ou mon père qui est mort ». Et tout à coup, le défunt peut se présenter, dans les visions d'Ayahuasca. La personne parle au défunt qui répond, ils se disent ce qu’ils ont à se dire et ensuite se disent adieu. Le défunt s'en va. Cela n'arrive qu'une seule fois, une seule, plus jamais cela ne se répétera avec ce défunt. C'est une permission exceptionnelle de la divinité pour le bien de tous les deux, le vivant et le mort. C'est une opportunité, un cadeau, une grâce de Dieu pour pouvoir réparer, réconcilier, pardonner et guérir. C'est pourquoi on peut prier, demandez à Dieu de pouvoir se réconcilier ou pouvoir dire ce qu'on a à dire à telle ou telle personne et Dieu l’accordera ou non. Mais ce ne sera qu'une fois. Rien de plus.

Le monde des morts et des vivants est séparé et c'est bien ainsi. Lorsqu'il y a une pénétration des morts dans le monde des vivants, ce n'est ni normal ni sain. L'esprit de nombreuses personnes qui meurent violemment, subitement, reste là, collé à ce monde. Ils ne réalisent pas qu'ils sont morts, ils restent dans leur environnement habituel, liés à leur maison, aux personnes qu'ils aiment. Alors il faut aider ces personnes à partir car elles peuvent beaucoup perturber les vivants.

Si l'on prie les saints, par exemple si j'appelle la petite Sainte Thérèse pour qu’elle m'aide, j'invoque l'esprit d'une défunte et cela est en effet autorisé. Mais encore une fois, je demande, je prie, je supplie, mais je ne convoque pas Sainte Thérèse, sinon cela serait du spiritisme. Essayer de la convoquer de force seulement ferait venir un démon déguisé en Sainte Thérèse. Mais on peut la prier.

En fait, quelle est la différence entre magie et pratique spirituelle chrétienne ?

Dieu sépare les Hébreux des peuples voisins en leur interdisant le culte d'autres dieux et leur utilisation de la magie. Et curieusement, il leur dit ensuite de faire certaines choses, comme des sacrifices d'animaux qui, vu de l’extérieur, ressemblent à la magie qui leur a été auparavant interdite. Quelle est donc la différence ?3

La différence est que la magie est une manipulation/utilisation de lois spirituelles pour forcer la vie, pour forcer Dieu, afin d'obtenir un bénéfice. Dans la pratique chrétienne et depuis les Hébreux, on prie et se soumet ensuite à la volonté divine. L'être humain demande et Dieu dispose. Dans la magie, l'être humain veut imposer sa volonté, par la connaissance des lois de la vie, des lois spirituelles, en les manipulant. C'est pourquoi tous les groupes ésotériques ou occultistes recherchent la connaissance des lois spirituelles afin de les manipuler à leur avantage et établissent pour cela des formes d'initiation au sein d'une hiérarchie de pouvoir liée à l’accès à des connaissances toujours plus sophistiquées. A plus de connaissance, davantage de pouvoir. C'est le cas des francs-maçons, des rosicruciens, des théosophes, d’écoles gnostiques et de nombreux groupes du mouvement New Age.

La vie chrétienne propose une relation de soumission noble et volontaire à la volonté divine, une relation de cœur, avec une confiance en la bonté absolue du Père. Nous demandons à Dieu, mais Il sait de quoi nous avons vraiment besoin et disposera du meilleur. Bien souvent, nous ne savons pas ce que nous demandons, le plus désiré n’est pas nécessairement le meilleur dans une perspective de réalisation spirituelle. Et on s’en remet de tout cœur parce qu’il s’agit d’un bon Père, Il saura de quelle manière donner, quand et comment.

Saint Paul a déclaré : « J'ai une écharde dans ma chair et j'ai demandé trois fois à Dieu de m'en libérer ». Et Dieu lui répond : « Ma grâce te suffit ». En d'autres termes, il ne le libérera pas. Mais il lui signifie qu’il lui donne assez pour pouvoir le supporter. Pourquoi ? Eh bien, seul Dieu le sait. Peut-être pour le garder dans l'humilité et le protéger de l’orgueil, de l'inflation de l'ego.

À propos des rituels ou des liturgies chrétiennes, on parle parfois de « magie blanche ». Pour moi, ce n'est pas de la magie, ni blanche, ni verte, ni rouge, ni noire, parce que la magie pour moi c’est de la manipulation et ici il s’agit de l'obéissance à ce qui a été demandé et sollicité par Dieu. "Faites cela en mémoire de moi".

On prie et on demande selon les enseignements révélés, et Dieu donne à sa manière. C'est une différence absolument fondamentale. Les rituels que nous effectuons s'inscrivent dans cette dynamique d'obéissance à la révélation chrétienne. Les fonctions prophétiques, sacerdotales et royales de chaque baptisé sont ainsi assumées.


- Le guérisseur peut-il convoquer ou chasser des esprits lors des rituels ?

Cela dépend... Oui et non. Potentiellement oui, mais cela dépend dans la pratique du guérisseur, de son niveau, de la force maléfique à laquelle il fait face. Je crois qu'il y a certaines choses que le guérisseur ne peut pas faire, qui dépassent sa capacité et où il doit faire appel au Christ. Toutes les traditions ancestrales du monde ont un certain degré de pratiques de libération, mais aussi toutes leurs pratiques de guérison sont accompagnées parallèlement ou symétriquement de pratiques de sorcellerie.

Quand le guérisseur chante et déclame : « le soleil nous donne de la chaleur, l'eau désaltère, telle plante nous donne de la force, telle autre dissout la peur », il réalise une forme d'éloge à la vie, à la création et prononce ou proclame la Vérité. Et toute vérité a une fonction exorciste. Ce que font les démons, les esprits mauvais, consiste essentiellement à falsifier la Vérité, à la déformer. Par essence, ce sont des menteurs. Donc, le fait de dire la vérité, de la rappeler, de l'invoquer, constitue déjà un premier niveau de la fonction d'exorciste. Rétablir la Vérité, repousse les démons qui ne la supportent pas. Je me suis souvent demandé comment fonctionnait cette libération observée cliniquement en chantant des choses aussi simples.

Les parasites spirituels s’attachent au corps énergétique et peuvent à long terme finir par affecter le corps physique. Une infestation spirituelle peut donc finir par rendre malade physiquement.

Mais cela ne fonctionne qu’à un certain niveau parce que quand il y a des choses plus importantes ou plus fortes, je pense que cela ne suffit pas. C’est ce que pense, mais je peux aussi me tromper. Il y a des petits sorciers et d’autres plus puissants. Il y a des gens à craindre, qui peuvent tuer, rendre fou, pousser à faire des choses terribles. De même, de « l'autre côté », si je puis dire, évidemment un saint ou une personne ayant une vie mystique forte et une prière pure, a une force libératrice qu'une personne sans vie spirituelle n’aura pas. Ce ne sera pas le même pouvoir, ni la même efficacité. De la même manière, si la Vierge demande quelque chose à son Fils, Il ne saurait lui refuser. Elle a un statut particulier car ce qu’Elle demandera sera toujours d’un coeur pur et parfait.

Mais si je demande quelque chose, ce ne sera pas toujours de façon pure et parfaite. C'est pourquoi nous prions pour nous prémunir de nos demandes impertinentes, bien qu’a priori bien intentionnées. Plus l'élévation spirituelle est grande, plus la proximité avec Dieu est étroite, plus la pureté de cœur est intense, plus la puissance et l'efficacité de la prière sont importantes. En outre, à un niveau de consécration plus élevé, plus de puissance dans la prière de libération. C'est-à-dire que la prière d'un Pape a potentiellement plus de force que la prière d'un simple chrétien. Bien que nul ne sache si ce chrétien anonyme n’a pas plus de pureté de cœur que le Pape... Il y a des chrétiens « cachés » qui peuvent avoir plus de proximité avec Dieu, Dieu seul le sait.

Certes, de « l’autre côté », après notre mort, nous verrons les choses d’une manière très différente. Nous allons probablement découvrir qu'il y a des gens qui aujourd'hui ne pèsent pas beaucoup dans la vie sociale moderne, dans le "monde" comme on dit, mais qui possèdent une vie spirituelle très élevée, sans aucun rapport avec leurs capacités intellectuelles. Personne ne les voit, mais ils ont une grande force spirituelle grâce à leur cœur pur. Et ce peut être aussi le cas des guérisseurs qui peuvent libérer grâce à leur humilité. Je l'ai vu et c'est indéniable. Mais, en termes généraux, lorsqu'un combat spirituel est mené avec des adversaires de haut rang dans une secte, par exemple, la confrontation peut nécessiter non seulement un prêtre exorciste, mais plutôt d’un évêque, par exemple. Celui qui unit les armes de sa consécration et en même temps une vie personnelle sainte aura bien sûr plus de possibilités de vaincre. Un moine des premiers siècles, disciple de Saint Antoine d’Egypte, s'appelait Paul le Simple, le simplet, avait une très grande force exorciste justement pour sa simplicité et son humilité. Sa grande pureté de cœur qui le faisait passer pour naïf ou stupide était plutôt une innocence bénie et authentique.

La nature est créée bonne, il n'y a pas de plante ou élément de création qui ait par essence un esprit mauvais. Mais l'être humain peut tout utiliser de manière perverse. On peut utiliser l'Ayahuasca pour guérir si on appelle l'esprit de l'Ayahuasca à cette fin, mais on peut tout aussi bien faire du mal avec elle si on manipule l'esprit de l'Ayahuasca à des fins perverses. C’est là le pouvoir de l'être humain parce que sa parole est puissante, et à partir de là, il dispose de la domination sur la création. « Domination » peut être un terme ambigü, puisque ce pouvoir est destiné au service. A plus haute hiérarchie spirituelle conduit à un service plus important. L’être humain est plus élevé spirituellement que le minéral, le végétal ou l’animal dans la hiérarchie de la création, et devrait donc en prendre soin comme étant plus responsable. Mais le sorcier renverse cet ordre hiérarchique, le profane. Par exemple, il se laisse posséder par l'esprit d'un félin et devient un prédateur, un dévoreur qui peut même tuer des gens et boire leur sang, comme un tigre, un lion ou un puma. L'inversion de l'ordre de la création est à proprement parler un acte démoniaque. Ce n’est pas que l’esprit de la plante ou du félin soit maléfique en soi, c’est l’usage pervers de l’être humain qui le déforme. L'esprit de la coca est extraordinaire : il n'y aurait pas d'empire Inca ou de Machu Picchu sans l'enseignement de cet esprit. Mais si on dénature la feuille de coca pour la transformer en cocaïne à usage profane, transgresseur des lois de la vie, elle peut mener à la toxicomanie. C’est ce qui se fait avec l’esprit des plantes ou de la nature, et c’est la prédisposition de l’être humain à son utilisation pour le bien ou pour le mal qui déterminera que cet esprit serve pour le bien ou pour le mal.

Dans la magie ou les messes noires on utilise même des hosties consacrées. Serait-ce que l’hostie est mauvaise ? Au contraire, son très haut caractère sacré manipulé permet un plus grand degré de perversion et de pouvoir maléfique. C'est l'inversion et la falsification dans les usages qui est démoniaque, pas l'objet lui-même. Lors d'une séance d'Ayahuasca, il peut y avoir contamination maligne en l'absence de protection rituelle correcte, par négligence, préparation médiocre, intention perverse, contexte toxique, association avec d'autres substances inadéquates, mais la plante est innocente. Elle n'a pas été utilisée correctement.

Un maître guérisseur m'a enseigné pendant des années et il me préparait des remèdes avec des plantes que je devais boire. Et il priait en parlant directement à l'esprit des plantes, au-dessus du verre de remède, disant d'une manière très simple : « Tu vas lui enseigner de bonnes choses au docteur, tu ne vas pas lui apprendre des bêtises... » C'était à la fois une supplication et un ordre. Les guérisseurs disent souvent qu’ « il ne faut pas se laisser dominer par la plante ». Ne pas laisser l'ordre de création s'inverser. La plante, son esprit, doivent être respectés, mais cela ne signifie pas s’y soumettre, inverser les relations et se laisser posséder. Il n’y a donc rien de mauvais dans la création visible, tout est habité d’esprit, d’un certain degré de conscience, chaque chose à son niveau. Mais seul l’être humain dispose de liberté, de capacité de réflexion, de conscience de soi, de la parole fondatrice. Cette supériorité dans la hiérarchie de la création le rend responsable du soin et du respect de celle-ci. Cette liberté mal orientée lui donne le pouvoir d'inverser éventuellement cet ordre, d'exercer une domination d'exploitation de la création au lieu du service de la vie, et d’assumer ainsi envers elle un rôle démoniaque ou satanique.


- La relation entre votre foi chrétienne et votre activité de guérisseur vous paraît-elle compliquée ou claire ?

Eh bien, je dirais qu'au fil du temps, cela devient de moins en moins conflictuel et, au contraire, apparaissent une plus grande congruence et complémentarité. Maintenant, pour moi, il est très clair que les plantes et tout ce qui va avec cette médecine traditionnelle constituent une forme d'accès pratique ou une passerelle vers le monde spirituel, mais pas une fin en soi. Si, par exemple, on me demandait de choisir entre les plantes et toutes les connaissances associées, et la foi chrétienne et sa pratique sacramentelle, ce ne serait pas très compliqué, je choisirais la foi et les sacrements. Ce n'est pas de même niveau. La vie spirituelle n'a pas besoin des plantes, elles ne sont pas indispensables. C'est un chemin possible, une excellente voie d’entrée. Cela nous permet à nous, Occidentaux, de sortir de notre terrible rationalisme où la foi est souvent très mentale, très conceptuelle, peu incarnée.

Ces médecines traditionnelles nous rappellent que nous avons un corps et que la spiritualité n’implique pas fuir le corps pour vivre dans de hautes sphères supercosmiques, mais plutôt faire descendre l'esprit dans notre réalité quotidienne et l'intégrer dans et à travers notre corps.

Je ne vois aucune contradiction entre l'utilisation correcte des plantes et la foi chrétienne, mais plutôt une synergie. Cependant, il existe un ordre hiérarchique. Les plantes, et toutes ces pratiques associées, sont une introduction à la vie spirituelle qui est d'un niveau supérieur. Les plantes sont des précurseurs de la CARITAS, l'amour spirituel, elles nous y conduisent. Si elles sont bien utilisées, correctement, avec respect, dans un cadre rituel sain et cohérent, elles nous mènent à la vie spirituelle et celle-ci à la divinité. Notre façon de pratiquer ces médecines ou le chemin que nous suivons avec elles, nous conduit au Christ, à la Vierge, au Saint-Esprit, à la Trinité, vécues comme une réalité tangible... Si l'on s’ouvre, on le veut, on l’accepte... Ce n'est pas une obligation.

De nombreuses personnes qui nous visitent ne sont pas chrétiennes, n'ont aucune éducation chrétienne, ou font partie des chrétiens qui ont abandonné la foi, ou des chrétiens tièdes, des chrétiens « culturels », et ici souvent leur foi se réactive ou se découvre. De nombreuses conversions ont lieu, ou des personnes qui retournent dans l'Église, reprennent la pratique, s'approchent des sacrements. Et tout cela parce qu'avec l'expérience avec les médecines traditionnelles dans un contexte correctement ritualisé, avec la prière, la foi acquiert un sens, elle se vit, elle est ressentie, elle s’expérimente. Au fil des ans, ce phénomène est en constante augmentation.

Cet espace représente un outil extraordinaire pour redécouvrir la foi, ou en découvrir des aspects qu’on avait laissés de côté ou ignorés auparavant. Cela permet de voir comment cela s’incarne dans la vie quotidienne de chacun. Il ne s’agit pas d’expériences éthérées, de « voler » à travers des rêves fabuleux, mais d’expérimenter des dimensions transpersonnelles, d’un contact avec la transcendance, de l’observation de l'énergie de la vie dans toute la création et en nous-mêmes, de vérification de la puissance de la prière, que tout prend sens pour soi-même, et tout cela lié à l'intégration dans la vie quotidienne

La nature est créée bonne, il n'y a pas de plante ou élément de création qui ait par essence un esprit mauvais. Mais l'être humain peut tout utiliser de manière perverse.

Pour moi, l’apparente contradiction initiale est en train de disparaître et ce qui me semblait très distant se rapproche. Des ponts, des liens s’établissent, chaque jour plus évidents, et qui trouvent assise dans la pratique de la vie spirituelle, dans la liturgie, par exemple.

Lors de la prise de plantes, l'Ayahuasca en particulier, la première chose qui émerge est une confrontation avec soi-même. On rencontre ses ténèbres, son ombre, ses peurs, ses problèmes non résolus. Et on le voit par soi-même. On voit, par exemple, que pendant des années on a maltraité sa femme en l’ignorant, sans l’écouter. C'est tellement évident, clair, que cela conduit à la repentance parce qu’on se rend vraiment compte de sa propre attitude et de ses conséquences. De la prise de conscience de l'erreur, du « péché », de la faute, de l'ignorance, de la négativité, vient le besoin de demander pardon. Et heureusement assisté par la lumière, vient aussi l’évidence qu’on peut agir différemment, qu'il existe une autre façon d'aborder le problème.

Vient ensuite ou simultanément la reconnaissance de tout ce que l'on a reçu dans la vie, malgré les difficultés et les malheurs. On peut voir par exemple que « mon père m'a maltraité, ma mère était étouffante, mais ils ont été le chemin pour que j’arrive à cette vie, sans eux je ne serais pas en vie ». Les jugements négatifs sont revus et relativisés : « Mon père était absent tout le temps à l'extérieur, mais c'est parce qu'il travaillait, parce qu'il voulait me donner le meilleur, c'était sa façon de m'aimer, il faisait ce qu'il pouvait en fonction de sa personnalité ». Cette prise de conscience mène à la gratitude. Merci et merci à la vie, et merci à Dieu, et merci à l'air, aux plantes...

Nous trouvons toujours ces deux éléments, pardon et gratitude. Peu importe la croyance ou non, la religion, la culture, le niveau socio-économique, le sexe... Cela fait partie de la condition humaine, quand on s'ouvre à la conscience, de voir ces sentiments ou vertus émerger de sa propre profondeur, spontanément. Pardon et Gratitude. C'est tellement spontané que même souvent, les gens disent « pardon, pardon » sans vraiment savoir pourquoi ils devraient demander pardon. Dans une session suivante, cela devient clair : « Je dois m'excuser auprès de mon père, je dois pardonner à mon fils, je dois me pardonner à moi-même... ». En d'autres termes, cette conscience de l’imperfection apparaît, de nos limites, je ne suis pas une personne 100% parfaite, j'ai ma part d’ombre et je vois comment cela affecte les autres, moi-même, ma relation avec la vie et avec Dieu. Et inversement, l’autre visage de la vie se manifeste : comment, malgré mes échecs, mes défauts, sans le mériter, la vie m’a été donnée, on m'a donné l'amour, l'affection, l'argent, des biens matériels, la santé, des moments de joie, etc. « Merci à la vie qui m'a tant donné ». Merci à mes parents, merci à un tel enseignant, merci à mon frère, merci au voisin, merci à la nature, merci à Dieu.

Serait-ce contradictoire avec le christianisme ? Si c'est contradictoire, je n'ai rien compris au christianisme.

C’est-à-dire, la conscience, en termes chrétiens, d’être pécheur, mais en même temps un fils héritier de la vie, héritier de Dieu. On peut voir beaucoup de choses négatives et même mauvaises sur soi-même, mais nous ne sommes ni des démons ni des misérables ni des orphelins. Pour moi, quoi de plus chrétien que ça ? Et cette prise de conscience se fait à partir de mon corps, de mon incarnation en ce monde, de mon expérience la plus quotidienne, de ma réalité la plus ordinaire. Quand on observe ces prises de conscience, tout devient soudainement très simple, très évident. Pas de magie, ni blanche ni d'une autre couleur...

La plante représente une médiation particulière lorsqu'elle est bien utilisée, au sein d'une forme rituelle cohérente, avec une bonne préparation. Elle facilite le contact avec les profondeurs de l’être intérieur et avec la transcendance qui s’y loge, dans l’intimité du for intérieur. Mon observation est que toute personne, la plus noire, la plus délinquante, la plus négative, possède un espace intime, son esprit d’une certaine manière, qui est intouchable. C'est vraiment incroyable ! Les mauvais esprits peuvent affecter mon mental, mes sentiments, mais ils ne peuvent pas entrer dans ce noyau, dans l'esprit, où je suis seul avec Dieu. Ainsi, la liberté intérieure ne sera jamais affectée à 100%, il y a toujours quelque chose d'inaccessible au mal. Cela me semble totalement conforme à la foi chrétienne.

C'est pourquoi, lorsqu'il y a des patients qui ont eu une vie très chargée, ils ont tué, ils ont consommé et vendu de la drogue, ils ont fait des choses barbares, parfois très graves, et on voit que sous tous les décombres de cette vie, il reste une lumière. L'esprit, l'âme, la conscience divine, je ne sais pas comment l'appeler, mais c’est là, enfoui sous les décombres. C’est pourquoi on peut aider ces personnes, avoir foi, maintenir l’espérance, savoir que ce n’est pas en vain que l’on va essayer d’enlever tous ces débris, car au fond, la lumière demeure.

Dans la mesure où la connaissance ancestrale de la médecine traditionnelle amazonienne est utilisée associée à un contexte doctrinal chrétien, des merveilles ont lieu. La force de guérison et de conversion y est incroyable. Dans ce but, nous consacrons tout à Dieu. L'endroit est consacré, l'Ayahuasca, tout ce qui est utilisé, les plantes qui sont placées, en particulier lor des soins, sous la juridiction de la Vierge. Les anges et les saints sont invoqués en tant que protecteurs spirituels. Comme dans tout chemin spirituel, il existe aussi des protecteurs favoris, privilégiés.


- Selon vous, les esprits, la rencontre avec ceux-ci et la croyance en ceux-ci, sont-ils nécessaires au processus de guérison des patients ?

Il n’est pas important que les patients y croient pour commencer ce traitement. La plupart des patients qui viennent chez nous ne croient pas en l'existence des esprits. Ni de Dieu. On ne leur a jamais enseigné ou ils n'ont jamais eu d'expérience en ce domaine. Mais au cours du processus, beaucoup d’entre eux découvrent cette réalité spirituelle, voient ou perçoivent les anges et les démons et peuvent comprendre comment ils ont influencé leur vie.

Les esprits n'ont pas de forme réelle, substantielle, ils n'ont pas de corps. Mais nous les percevons à travers le filtre de notre cerveau et notre bagage symbolique-culturel. Ils deviennent perceptibles pour nous depuis notre matérialité, notre système perceptuel. Lorsqu'un mystique voit un ange avec des ailes blanches sur le dos, il ne s’agit pas d’une réalité matérielle, mais une réalité spirituelle qui exprime, sous sa forme perceptible, le symbolisme de son être. Les ailes symbolisent sa dimension spirituelle qui peut l’élever aux hauteurs du Ciel - un ciel spirituel et non le ciel matériel. Les démons ont également des ailes en raison de leur nature également spirituelle, mais elles sont noires, symbolisant leur lien avec les ténèbres. Ce sont des figurations, des représentations, et non une « présentation », ou quelque chose de réel ou de présent au niveau physique.

Au fur et à mesure que la conscience s'affine, ces représentations sont modifiées jusqu'à leur disparition. Ce sont des supports nécessaires pour accéder à la conscience spirituelle. Cela ne signifie pas qu'elles sont inexistantes ou virtuelles, mais c'est notre image intérieure de cette réalité spirituelle qui est modifiée, passant d'une rencontre avec un symbolisme très coloré et illustratif, aux réalités émotionnelles, psychiques et spirituelles qui les sous tendent. Il faut insister sur le fait qu’elles ne sont pas seulement des réalités affectives et psychiques, mais aussi spirituelles. Ainsi, un monstre peut figurer ma peur par exemple ou un aspect pervers de ma personnalité, mais il peut aussi manifester la présence d'une entité démoniaque qui me parasite et me conduit à la perversité. Il s’agit d’un discernement thérapeutique à exercer puisqu'il implique une approche différenciée. Nous pouvons essayer de rationaliser ces expériences dans une certaine mesure, mais pour progresser dans la vie spirituelle, il faudra passer d'une lecture purement psychique à l’abord des réalités spirituelles.


- La rencontre avec les esprits est-elle nécessaire au processus de guérison ?

Ce n'est pas nécessaire dans un premier temps, mais inévitable si on veut continuer sur le chemin spirituel. D'autres fois, elle s’impose lorsqu'il y a une infestation significative. On ne le choisit pas, cela devient seulement évident.

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Il y a des gens qui viennent pour des séminaires de deux semaines et ils ne seront pas absolument convaincus de l'existence des esprits à cause de la brièveté de leur séjour. Bien qu’ils les aient vus ou perçus, les réflexes de la rationalité reviennent rapidement quand ils retournent à la vie ordinaire. Ils ne sont pas prêts à faire face à cette réalité, ils ne disposent pas d’instruments conceptuels pour les situer, le positivisme de la société freine leur reconnaissance, ils craignent d’être ridiculisés. Cependant, ils percevront un changement psychologique, émotionnel, relationnel et progresseront dans leur vie. La liberté de chaque personne est respectée devant ces expériences.

Maintenant, si quelqu'un veut vraiment faire l'expérience de la vie spirituelle, cela s’imposera sur le chemin. Il ne s'agit pas d'une simple croyance. Bien que la foi ne soit étayée par des preuves mathématiques ou scientifiques, elle doit être cependant être expérimentée. La foi brute ou la foi aveugle qui est une adhésion inconditionnelle à ce que tel ou tel autre a dit, pour moi relève d’une forme de croyance superstitieuse. La foi requiert intelligence, réflexion et vérification empirique dans nos vécus ou dans nos expériences de vie. Cette intelligence est celle du coeur qui peut aussi faire partie de la foi du charbonnier ou de la foi populaire.

En fait, on ne peut non plus tout expérimenter ou tout vérifier. Comme le dit saint Jean « Dieu personne ne l’a jamais vu ». Nous n'épuiserons jamais quelque chose qui nous dépasse complètement et il y aura toujours un énorme mystère qui justifie précisément la foi. Cependant, entre tout et rien, il existe un moyen terme où l’on peut en faire l'expérience, où l’on peut savourer quelque chose de la réalité spirituelle, où l’on éprouve son sens et sa cohérence, comme une anticipation du « royaume à venir ». Les expériences spirituelles surviennent parfois dans la vie d'une personne sans qu’elle les ait recherchées intentionnellement. Mais il n’est pas non plus interdit de s’ouvrir à ces expériences, de s’y préparer, de se rendre disponible à les recevoir. Elles ne sont pas induites par des actes magiques, il s’agit de s’offrir à recevoir la grâce. Et la grâce viendra d'elle-même. Dans mon observation, quand on demande avec le cœur, avec humilité, et en respectant les étapes à franchir, il y aura toujours un type de réponse. La réponse sera adaptée à chacun. Parce que lorsqu'il y a ce contact avec le monde invisible pour un Occidental, ensuite la question se pose de savoir comment intégrer cette expérience à la vie psychique, symbolique et quotidienne. Pour un Occidental moderne du XXIe siècle, l'apparition d'un démon, d'un ange ou d'une réalité transcendantale peut dépasser sa capacité d'intégration. Que faire de cette expérience ? Il peut ne rien en faire et la classer rapidement comme une suggestion car il ne sait pas situer cette expérience dans son référentiel habituel, sa vision du monde. Ou bien il a un référentiel symbolique ou religieux qui lui permet de traiter l'expérience. Sinon, il devra changer de paradigme de pensée et réviser sa façon de concevoir le monde et la vie.

Pour un indien, le problème est très différent parce qu’il vit au sein d’une vision collective du monde qui intégre ces réalités spirituelles. Il est plongé dans une culture qui en parle tous les jours, où il y a des contes, les histoires des anciens, des légendes, des mythes. C’est quelque chose de quotidien et il saura donc où situer cette rencontre avec le monde des esprits dans sa cartographie ou sa cosmogonie intérieure. Pour notre culture occidentale positiviste, matérialiste, déterministe, qui nie l’existence du monde invisible, elle sera considérée plutôt comme un fantasme, une lubie, des croyances d’époques révolues, une superstition moyennageuse ou pire, un délire qui relève de la psychiatrie. On cherche par là à nier la réalité de ces expériences.

Cependant, notre culture occidentale, avant d’être rationalisée à l’extrême, s’est construite et nourrie essentiellement de la foi chrétienne. Et jusqu'à aujourd'hui, la doctrine, le magistère, conservent cette valeur de la révélation initiale. Une valeur considérable, car elle nous permet justement de localiser ces expériences avec le monde invisible, d’y trouver un sens et une cohérence. Nous devons explorer de nouveau le monde angélique à partir des racines oubliées du christianisme. Revisiter nos conceptions du monde invisible de la nature à partir de la dimension du Christ cosmique, l'Alpha et l'Oméga. La culture occidentale peut être renouvelée à partir d'un christianisme « moderne », pour ainsi dire, à partir du défi et de l'expertise des cultures ancestrales en ce qui concerne les états modifiés de conscience et leur relation étroite avec le monde invisible. Ce modernisme de la foi, en réalité, signifie le rétablissement des liens avec les enseignements du christianisme des origines. Parce que lorsqu’on lit les Evangiles, on trouve ces réalités à chaque page. Les Actes des Apôtres racontent beaucoup d'anecdotes. La Patristique des pères fondateurs de l'Église, des moines du désert d'Égypte ou de Syrie est pleine de descriptions de ces relations avec le monde invisible, d'expériences mystiques.

Malheureusement, la théologie chrétienne occidentale, pas autant l'orientale, est devenue très conceptuelle. Dans les universités du Moyen Âge, les débats théoriques ont commencé à se détacher de l'expérience mystique. Et cela s'est amplifié au cours du temps jusqu'à Saint Thomas d’Aquin, en passant par San Agustín. Je ne suis ni spécialiste ni théologien, mais je vois comment des religieux et des prêtres qui prennent des plantes, ne font que redécouvrir le concret et le réel de ces expériences qu’ils ne connaissent souvent que de manière conceptuelle. Cette réalité psychique se manifeste comme incarnée dans leur propre corps. Et c'est toute une découverte. Thomas d’Aquin, toujours une référence théologique actuelle, raconte lui même comment au cours d’une messe, à soixante ans, a vécu une expérience mystique qui le secoue profondément. Il sort de cette expérience et déclare : « Tout ce que j'ai écrit jusqu'à présent est de la paille pour le feu ». Il n'a plus jamais écrit et n'a pas terminé sa Somme Théologique. Sa brève expérience mystique a suffi pour relativiser toute une vie de travail intellectuel. Il voulait saisir l’esprit, mais il a été saisi par Lui. Je crains d’être prétentieux ou vaniteux en disant cela, devant un monument de théologie, mais s’il le reconnaît lui-même...

A partir de mon expérience, l’excès de conceptualisation et d’intellectualisme du clergé contemporain me paraît une évidence. J'ai vu ici des érudits, des théologiens, des intellectuels de grand calibre, mais quand ils prennent les plantes, se fait jour souvent une grande dissociation entre leurs connaissances théoriques et leur vie sensible. Et alors ils s’ouvrent à une perspective totalement différente de la foi. Tout à coup, ils se rendent compte, comme on l’a dit l’un d’entre eux, que tout ce qu'ils avaient lu pedant leur vie était finalement bien réel, une réalité incarnée, corporelle, sensible aujourd'hui dans leur corps et dans leur propre existence.

Et c’est fabuleux de mon point de vue parce que ces personnes disposent d’une éducation, une culture, une érudition, une capacité de réflexion qui leur permet potentiellement d’intégrer leur expérience personnelle dans le cadre d’une vision du monde élaborée qu’ils connaissent intellectuellement et dont ils peuvent alors pleinement s’approprier. C'est un potentiel considérable de renforcement de la foi, d'explicitation de sa cohérence profonde. Leur capacité à comprendre la foi est multipliée par ce type de révélation personnelle basée sur leur expérience avec les plantes. Ils ont les outils pour cela.

La culture occidentale peut être renouvelée à partir d'un christianisme « moderne », pour ainsi dire, à partir du défi et de l'expertise des cultures ancestrales en ce qui concerne les états modifiés de conscience et leur relation étroite avec le monde invisible.

Je souffre quand je vais à la messe et que j'écoute l'un des fréquents récits où Jésus expulse des démons et qu’ensuite, lors de l'homélie, le prêtre saute par dessus, l’esquive, ne le commente pas, car il ne sait pas quoi faire avec ces histoires qui le dérangent. D’autres fois, il le commente simplement en disant que cela nous montre que Jésus fait le bien, qu’il a de la compassion pour celui qui souffre. Mais il ne s’agit pas seulement de donner un verre d’eau, d’habiller le dénudé, de rendre visite au prisonnier, mais aussi de lutter contre le Malin. Un démon est expulsé du corps d'une personne en peu de temps. Ce n'est pas un détail. Et pourquoi cela ne se fait plus aujourd'hui ? Pourquoi a-t-on arrêté de le faire ? En jouant de l’ironie, Jésus manquait-il d'études en psychiatrie pour se rendre compte qu'il s’agissait d’un schizophrène ? Et alors, comment l’a-t-il guéri ? Encore de la suggestion ?

J'ai eu l'occasion de discuter avec un prêtre exorciste d'une capitale européenne qui me disait qu'il y avait beaucoup de personnes avec des problèmes d'hystérie, de suggestion... Bien sûr, ces cas existent, mais les possédés et les infestés ont-ils disparu ? Ce prêtre exorciste m’explique comment il procède. Lorsqu'un patient se présente, il est reçu par de vieilles dames de bonne volonté qui assument une permanence. Elles n'ont aucune formation en psychologie et, avec bon cœur, elles se consacrent essentiellement à rassurer le visiteur. Elles lui conseillent de se reposer, d’avoir la foi, de maintenir l’espoir, de se confesser, de prier, de pratiquer l’adoration au Saint Sacrement... et ainsi le problème passera. Si elles le considèrent comme un cas spécial, grave et incompréhensible, elles en informent le prêtre exorciste. Il me précise que la première chose qu'il fait alors est de l'envoyer chez un psychologue ou un psychiatre pour écarter une pathologie mentale. En d'autres termes, le prêtre exorciste se soumet à l'opinion de la "science médicale", si la psychiatrie peut être considérée comme une science puisque les déterminations diagnostiques sont consensuelles et résultent d'un vote. Or, il existe de multiples catégories nosographiques toutes prêtes pour étiqueter ce type de patient... et les placer en confinement avec une camisole chimique. Si après tout ça, le psychiatre admet exceptionnellement que cela échappe a ses capacités, le prêtre demande alors à l'évêque une permission individuelle pour effectuer des exorcismes ou des prières de libération. Devant tant d'obstacles, je lui demande : « Père, mais en 5 ans combien de cas vous avez traités ? » « Aucun », me répond-il. « Vous n'avez effectué aucun exorcisme ? » « Non, ça n'a pas été nécessaire ». Donc, dans une capitale européenne, avec des millions d’habitants et tant de choses pas très saintes, en 5 ans, ce prêtre exorciste n’a détecté aucun cas. Et je me demande alors comment, à Capharnaüm, qui à cette époque ne devait compter tout au plus que quelques milliers d'habitants, Jésus avait trouvé tant de possédés ou d'infestés. Ou tous les Juifs de cette époque étaient infestés et nous, à Bruxelles, Madrid, Paris ou Rome, nous sommes immaculés, ou quelque chose nous échappe. S'ils ne sont pas détectés, aucune action n'est non plus entreprise pour libérer les infestés. Je ne jette pas la pierre à ce prêtre parce que je sais qu’actuellement, on ne leur apprend tout simplement rien à ce sujet. Un prêtre chilien, un ami, docteur en théologie, m'a affirmé avc grande honnêteté qu'il n'avait jamais eu d’enseignement sur le combat spirituel. Des prêtres de bonne volonté sont nommés, mais sans aucune formation. Et pourtant, le thème se trouve à chaque page des Evangiles...

Cela semble très grave pour la santé des personnes, santé physique, pychique et bien sûr spirituelle.

Nous sommes à une époque où il existe une multiplicité de pratiques occultes, spiritualistes, sectaires, sataniques, de choses horribles, des groupes mafieux... c'est terrible et nous les chrétiens sommes là, à attendre passivement de voir ce qui se passe, alors que nous disposon des outils pour le combat et la victoire. Nous avons le pouvoir de l'Église par la succession apostolique, le pouvoir du Christ dans les mains des consacrés, le pouvoir de la Vierge qui écrase Satan, le pouvoir de saint Michel à la tête des armées célestes, le pouvoir du sang des saints et des martyrs... et c'est si peu utilisé ! Donc, je pense que nous devons dé-rationaliser la foi, dé-occidentaliser l’Eglise… nous rapprocher du christianisme oriental ou des chrétiens des peuples ancestraux.

En 2006 à Taiwan, a eu lieu un congrès sur le thème chamanisme-christianisme du Sud-Est asiatique, organisé par un évêque d’origine autochtone de Taiwan. Les religieuses et les prêtres de terrain, qui vivent très près des indigènes, considèrent que le chamanisme doit être valorisé, considéré et regardé sous un angle renouvelé. Leur travail est admirable et le compte-rendu de cet événement presque révolutionnaire4. Pour les chrétiens ou religieux autochtones, il leur est en quelque sorte demandé d’abandonner leur identité, nier leurs racines, rejeter ce qui est considéré comme primitif, païen. Je trouve cela profondément faux, injuste et arrogant. L'Eglise est orientée vers la prédication, l’évangélisation, le salut... mais elle a oublié la guérison. Jésus guérit d'abord, il prêche ensuite. Il envoie aussi soigner les malades et libérer les possédés.

Ici en Amérique latine, il existe un groupe de théologie autochtone ou théologie indienne qui se retrouve depuis vingt ans, je crois. Ils tiennent des réunions avec des autochtones chrétiens et des religieux. Je n’y ai jamais participé, mais pour ce que j’ai vu dans leurs rapports, ils recommandent d’écouter la voix des peuples autochtones. C'est ce que dit aussi le pape François avec cet appel à un Synode panamazonien pour octobre 2019. Or, quelle est la voix des nations autochtones ? Que disent-ils ? Où et comment la voix des peuples autochtones s’exprime-t-elle ? Dans des publications ? Dans des textes ? Dans les livres ? Dans des discours ? Sur YouTube ? Non, la voix des peuples autochtones s'exprime dans leur pratique de guérison physique, psychologique, émotionnelle et spirituelle, dans leurs rituels, leurs chants sacrés ou de guérison, leurs traditions.

Tant que l'on ne partage pas l'expérience vécue où l'on découvre la modification induite et ritualisée des états de conscience, avec ou sans plantes, je crois que l’on ne peut pas vraiment entendre la voix des indiens. Cela surprend un occidental, ça fait très peur, cela génère de l'insécurité. Il ne s'agit pas non plus d'idéaliser le monde indien après l'avoir diabolisé. Il n'est pas nécessaire de laisser ses racines occidentales, chrétiennes, pour pénétrer dans ces espaces, pas plus que de demander aux indiens d'abandonner les leurs pour entrer dans l'Église. Mais le chrétien peut découvrir que vraiment les esprits existent, que tout le monde peut en faire l'expérience, que pour cela des conditions adéquates sont nécessaires. Tant que les groupes de théologie indigène ou indienne ne vivent pas cette réalité, que peuvent-ils apporter ? Que peuvent-ils recevoir du monde autochtone s'ils ne veulent rester dans la position de celui qui donne et ne reçoit pas ? Quelle dignité est offerte aux peuples autochtones si on les considère seulement comme des pauvres et comme incapables de partager quelque chose de leur richesse culturelle ou spirituelle ? Les membres de l’Eglise qui participent à ces réunions ne connaissent généralement pas directement, par expérience personnelle, les vécus proposées par les médecines traditionnelles dans leur sphère spirituelle. Qui plus est, de nombreux chrétiens autochtones qui participent à ces réunions ont cessé de partager cette connaissance. Comme si devenir chrétien impliquait de renoncer à cette sagesse ancestrale.

J'ai eu une expérience directe avec un leader indigène chrétien. Certaines circonstances de la vie l’ont amené à Takiwasi et pour la première fois, il a pris l'Ayahuasca et d'autres plantes maîtresses, et avec un français ! Un paradoxe que ce soit un européen qui le reconnecte avec sa propre tradition... Depuis, lors des retraites chrétiennes qu’il organise avec des jeunes il a introduit l'utilisation rituelle des plantes comme moyen de purification, de méditation, d'ouverture à la dimension spirituelle. La sagesse ancestrale féconde le christianisme et inversement.

De fait, cette réserve envers les médecines traditionnelles tient essentiellement au fait qu’il existe beaucoup de sorcellerie au sein des peuples autochtones, et pour cela, des plantes médicinales, y compris l'Ayahuasca, sont également utilisées. Les peuples autochtones sont terrorisés par la sorcellerie à laquelle ils sont constamment exposés, avec le risque de tomber malade, devenir fou ou même de mourir. De nombreux guérisseurs autochtones et métis, je ne sais pas si la grande majorité d'entre eux, apprennent également de la sorcellerie censée servir pour se défendre des attaques de sorciers. Ils sont à moitié guérisseurs et à moitié sorciers. La lutte contre les sorciers est presque un combat corps à corps. Je dois aussi me battre contre les attaques de sorciers, mais pas corps à corps parce que je demande la protection et l'aide de Jésus. C’est une manière de démontrer qu'il n'est pas nécessaire d'apprendre la sorcellerie pour se défendre. Cela représente une rupture avec la tradition guerrière autochtone. Il n'est pas nécessaire d'entrer dans ces luttes avec les mêmes armes qui mènent finalement à devenir sorcier, même partiellement. Mais il est nécessaire d’avoir la foi et une foi vivante. Les agressions de la sorcellerie, de la magie, peuvent perturber très fortement les plans physique et mental. La tradition chrétienne fournit les outils spirituels pour ce combat. Jésus a vaincu le mal. C'est pourquoi je crois que la pratique chrétienne de ces médecines est un chemin d’évangélisation.

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Cependant, « l’évangélisation » doit être réciproque. En d'autres termes, nous devons apprendre le langage des peuples autochtones et nous laisser instruire par leur sagesse. Pour écouter la voix des peuples autochtones, il ne s’agit pas seulement de mener une enquête sur leur façon de penser ou réaliser une étude anthropologique. Cela est de peu d’utilité de demander aux indiens, par exemple, comment ils voient l’Église du futur. Ce n'est pas leur façon de s'exprimer. Mais si on participe à des séances d'Ayahuasca ou à des retraites ou diètes dans la jungle, des chants de guérison ou d’enseignement, les ikaros, en diront-ils dix mille fois plus qu'une déclaration formelle ou un texte.

Et ce langage universel se comprend non pas avec la tête mais avec le cœur. C'est un autre langage, un langage métaphorique et analogique, qui passe par le corps et les émotions et qui s’adresse au cerveau droit qui concerne l'intuition, le symbolique, la poésie. Le cerveau gauche s’exprime plutôt dans un contexte rationnel, celui des congrès, des conférences et des enseignements formels. Ces formes occidentales et rationnelles ont certes leur place et présentent des avantages, mais elles ne correspondent pas au langage indigène. Ce sont deux moitiés différenciées et il est aussi difficile pour les Occidentaux d’ouvrir leur hémisphère droit qu’il est laborieux pour un indien d’être opérationnel à partir des fonctions du cerveau gauche qu’il n’a pas exercées. Le cerveau droit n'est pas accessible au discours rationnel, mais à la parole illustrative, à la parabole, comme l'a fait Jésus. Jésus n'enseigne pas la théologie, mais procède par des images, des aphorismes, des comparaisons. Le monde spirituel ne peut pas être contenu dans un verbe rationnel. C'est comme en amour. Si on aime une femme, qu'est-ce qu’on va lui dire : « Je t'aime ! Tu es jolie… ». C'est ce que tout le monde dit ! Pour dire « son » amour, de manière spécifique, il faudra écrire un poème ou utiliser le langage symbolique des fleurs, avec un dessin très personnel… bref, quelque chose de propre, d’unique, de singulier. Il s’agit d’une autre parole, une parole différente, métaphorique, analogique, poétique, symbolique. Et notre langage occidental a beaucoup perdu de cette dimension non rationnelle, nous nous sommes appauvris, réduits au fonctionnel. Cet élargissement de notre verbe est quelque chose que les indiens peuvent nous apporter, entre autres choses.


- Voulez-vous ajouter quelque chose pour conclure cet entretien ?

La contribution des médecines traditionnelles bien appliquées, j’insiste, bien développées, consacrées, pour le dire rapidement, avec la prière, mises sous le regard de Dieu, sans manipuler les personnes, intervient à point nommé dans notre actualité, dans ce changement de société, de paradigme, pour mieux intégrer la notion d'esprit. Nous pourrions dire que l'Ancien Testament représente la théologie du Père, le Nouveau Testament la théologie du Fils et que l’on commence tout juste d’aborder la théologie du Saint-Esprit. Théorie et pratique.

Il ne s'agit pas non plus de faire l’apologie de l'utilisation des plantes psychoactives ou sacrées des médecines traditionnelles. De fait, elles représentent une voie extraordinaire pour approcher le monde spirituel, le monde invisible intérieur et extérieur. Elles jouent un rôle de facilitateur, de médiation, mais leur usage ne peut être considéré comme une fin en soi. Ce sont des médecines qui embrassent la dimension spirituelle mais ne constituent pas une religion. De plus, la dimension spirituelle qu’elles ouvrent est totalement compatible et en synergie avec la foi chrétienne, dans les conditions que j’ai précisées précédemment. Elles enrichissent l'expérience de la foi, elles l'ouvrent à d'autres dimensions que nous avons oubliées, telles que la corporalité, la cartographie du monde spirituel, la permanence du combat spirituel... Elles offrent une connaissance issue d'une expérience millénaire. Sur le sujet, on peut faire des livres, des films, des conférences, des entretiens… tout cela est très bien, mais il y a un moment où il faut en faire l'expérience. Rien ne remplace l'expérience directe, dans son propre corps.

Les plantes sacrées ne sont pas non plus l’unique voie. Par exemple, les expériences du mouvement charismatique possèdent cette dimension de guérison, de combat spirituel, d’états de conscience modifiés. Ou les exercices spirituels de saint Ignace, pour se limiter au christianisme. Récemment, le besoin d'avoir plus de prêtres exorcistes s’est fait plus présent. Le pape François a reconnu l'Association Internationale des Exorcistes. Il est hautement souhaitable que les dimensions du combat spirituel soient approfondies car, pour moi, nous sommes vraiment en situation d'urgence spirituelle. Face au Mal, au Malin, qui envahit notre époque actuelle, nous devons être « astucieux comme les serpents et purs comme les colombes ».

Astuce non pas au sens de la malignité, mais en tant que fils de la Lumière face aux fils des Ténèbres, face aux stratégies pernicieuses de certains « frères ». Si nous prétendons être des enfants de la Lumière, nous devons nous engager dans cette lutte, oser, sachant que nous avons l'incroyable potentiel que Jésus nous a légué et les siècles d'expérience accumulée de la Tradition et de la vie chrétiennes, du mysticisme, des saints. Il y a là urgence et ce n'est pas à prendre avec des « on va réfléchir, on va voir ». Les phénomènes de croissance exponentielle des dépendances, des incestes et des abus sexuels, des pratiques ésotériques et occultistes, voire sataniques, de la corruption généralisée, du trafic d'êtres humains, de nouvelles formes d'esclavage... n'autorisent pas une attitude passive et contemplative. La pédophilie dans l’Église montre que « la fumée de Satan », comme l’a dit Paul VI, a pénétré au cœur de l’Église. Ce sont des questions graves et très sérieuses qui demandent une action rapide, bien que toujours prudente.

Notre initiative à Takiwasi tente de démontrer qu’il est possible de mener ce combat, malgré nos évidentes limitations. Elle propose de sortir des débats théoriques pour offrir des faits, pour passer de la prédication au vécu. Et il y a des faits concrets, des jeunes qui sortent de la dépendance, des personnes qui se convertissent, des changements de vie, des approches tangibles, entre le monde autochtone et le monde occidental, et entre les deux spiritualités.

On reconnaîtra l'arbre à ses fruits.


1 Alberto Dubbini est diplômé en sciences géologiques et est professeur de sciences naturelles au lycée « Luigi di Savoia » d'Ancône. Il est également titulaire d'une maîtrise en sciences religieuses de l'Institut supérieur des sciences religieuses « Italo Mancini » de l'Université d'Urbino Carlo Bo, en Italie.
2 Je me suis rendu compte plus tard que ce même phénomène avait été décrit dand d’autres régions comme avec les « graniceros » du Mexique. La tradition quechua les appelle “fils de l’éclair”, voir: Bianchetti, Maria Cristina (2014), Curanderos, especializaciones y afecciones que rigen aún hoy en el área andina centro oeste suramericano, Scripta Ethnologica, Vol. XXXVI, Bs. As. pp. 129-165.
3 Voir P. Juan-Carlos Rodríguez, Hermenéutica de la Magia en la Biblia, Monographie non publiée, bibliothèque Takiwasi.
4 LA RENCONTRE DU CHRISTIANISME ET DU CHAMANISME EN ASIE, Bulletin EDA n° 457, Dossiers et documents N° 2/2007, Février 2007. Improvements In The Meeting Of Shamanism And Christianity Among The Indigenous Peoples Of East Asia And Oceania, Resources “EAPR” East Asian Pastoral Review 2006, Volume 43, Number 4, A Report on an International Symposium held in Taiwan in February 2006,

Transcription littérale de la forme orale, avec les approximations et les limites de ce type d'exercice. Il s’agit d’une conversation à bâtons rompus et non d’un exposé médical, anthropologique ni théologique.